Cette intelligence qui nous divise…

L’intelligence, dans une même personne, est multiple ou elle n’est pas. Elle est à la fois rationnelle et intuitive, conceptuelle et affective, imaginative et concrète, intellectuelle et manuelle. Elle sollicite le corps tout entier.

À ne vouloir développer que l’un de ses aspects, on aboutit à une véritable sclérose de l’intellect et à de si graves frustrations qu’elles conduisent à l’autoritarisme ou à la soumission excessive aux ordres et aux consignes.

L’intelligence en nous est d’abord une capacité à s’adapter au monde extérieur : l’évolution humaine le prouve amplement. Mais elle est aussi une capacité à se comprendre soi-même et à recueillir à l’intérieur de soi ce qui donne véritablement un sens à la vie qui nous a été donnée avec, en même temps, ses déterminismes et ses possibilités de modifications.

À force de dissocier l’observation et l’analyse scientifiques de l’émerveillement et de la contemplation gratuite de ce qui nous entoure, nous développons :

– soit la sécheresse de cœur, voire le cynisme de l’hyper rationalité,
– soit la sensiblerie, voire le sentimentalisme de l’hyper émotivité.

Entre ces deux écueils qui rendent possiblement paranoïaques et schizophrènes, il y a place pour un mouvement de va et vient entre l’intellect et la sensibilité. Ce mouvement anime une vie de l’esprit qui régule la relation aux autres et à soi, de telle sorte que la raison n’ignore plus les « raisons » du cœur et les prend en considération. Car l’intelligence est faite pour maîtriser les simples impressions, mais elle a l’obligation de les intégrer dans son logiciel pour rester souple, inventive et concrète.

Ce faisant, elle conduit à un état de vigilance qui exclut progressivement l’inattention, le manque de concentration, la superficialité du jugement, le maintien des préjugés, le goût excessif de l’ésotérisme qui caractérise le complotisme et son cortège de fausses informations.

Décloisonner les savoirs est donc indispensable pour harmoniser les différents appels de l’intelligence.

• Encore faut-il utiliser tous les instruments qui permettent de favoriser cette harmonisation, à savoir la rigueur du raisonnement mathématique, l’obéissance aux lois de la grammaire et de l’orthographe, l’éveil de la curiosité par l’étude des sciences, la pratique du sport, l’initiation aux arts et la connaissance des religions par le biais de l’histoire.

▪︎ Encore faut-il redonner sa place au travail manuel sans lequel aucune intelligence n’est complète, tant la main et les 5 sens sont les auxiliaires vitaux du développement cérébral et du calme qu’il requiert pour mûrir lentement et sainement, hors de l’agitation et de l’hyperactivité de plus en plus constatées dans les classes primaires… et dans les lieux publics que des adultes veulent désormais interdire aux enfants pour être tranquilles !

L’intelligence n’est pas affaire de loterie mais d’apprentissage. Les termes de surdoué et de cancre devraient disparaître de notre vocabulaire pour laisser place à une juste appréciation des conditions qui ont permis à l’un d’être « surdoué » et à l’autre d’être un « cancre » et aux deux de ne pas être heureux en classe.

Peut-être faut-il introduire à l’école la notion d’entr’aide et de partage des compétences par les élèves eux-mêmes, Chacun y gagnerait en confiance en soi, avec moins de rivalité, moins de moqueries, moins de frustrations et une conscience plus aiguë des inégalités sociales.

L’école, pour tout dire, s’humaniserait et apprendrait réellement à être intelligents ensemble et les uns par les autres.

M. P. Oudin