Inculture de la vengeance, culture de la compassion

C’est d’abord dans l’ordre du constat, et ensuite seulement dans l’ordre de l’éthique, qu’il faut examiner les méfaits de l’esprit de vengeance.
Partout dans le monde sévit la passion de la vengeance, autrement dit la soumission à un désir de revanche.
Cette revanche n’est pas « la  belle », comme elle peut l’être dans le jeu ou le sport.
Instrumentalisant les douleurs du passé, exploitant ce qui alimente la rancune et le ressentiment, elle a pour but de plus en plus avoué le meurtre d’un individu, la destruction d’un groupe, l’extermination d’un peuple.
Cette vengeance-là, dont on dit qu’elle est un plat qui se mange froid, prend en effet le temps de s’organiser, faisant croire qu’elle est rationnelle. En réalité, elle obéit à des pulsions de mort cyniquement entretenues afin d’assécher la sensibilité et faire taire le bon sens tout autant que la raison. C’est pourquoi elle favorise l’ignorance et exalte l’émotion superficielle. C’est pourquoi elle a besoin du mensonge et des systèmes autocratiques pour servir ses desseins d’anéantissement de tout esprit critique.

Face à cette énergie passionnelle, il y a la com-passion. Elle aussi exige du temps pour devenir une force et un ferment de cohésion.
Il lui faut, en effet, pour être efficace :
. Dépasser le stade de la simple, et souvent stérile, pitié
. S’ouvrir à  l’empathie qui permet de réaliser qu’autrui est mon semblable
. S’engager au service de l’être humain – tout entier – reconnu comme complexe, dans un même élan de justice et de fraternité 

Nous sommes – urgemment – face à  un choix devenu crucial pour l’avenir de notre planète et de notre humanité :
. Ou bien nous égarer,  avec l’esprit de la vengeance,  dans la voie d’une radicalisation, religieuse et politique, qui mène tout droit au chaos de la barbarie.
. Ou bien poursuivre la difficile, mais libératrice, histoire de notre humanisation avec la puissance d’une  compassion restauratrice de liens sociaux .

Puisse l’année 2024 éclairer notre intelligence, qu’elle soit  naturelle ou artificielle,  et la rendre véritablement civilisatrice. 

Marie-Pierre Oudin